29/03/2017
Nostalgique
Dans l’univers du fantastique poétique, Boris Vian est un maître. Son roman, L’Écume des jours ouvre un monde étrange. Deux soleils éclairent l’appartement de Colin, jeune oisif qui sort des doublezons de son coffre, crée le pianocktail[1] et partage sa fortune avec ses amis. Le cuir des chaussures y repousse, les rues portent le nom des jazzmen et Chloé, l’héroïne, celui d’un titre de Duke Ellington. Et, quand le malheur frappe, les murs rétrécissent, les vitres se ternissent, et des nénuphars poussent dans les poumons de Chloé.
On imagine donc qu’une adaptation demande des moyens techniques colossaux. Celle de Paul Emond, a nécessité une guitare électrique, un synthétiseur, un sampleur, un rideau fleuri, et surtout trois jeunes comédiens chanteurs, mais pas trop, disons plutôt slameurs, mimes aussi, et soucieux de transmettre la poésie de Boris Vian.
Le roman était déjà considéré comme « musical », Gilles-Vincent Kapps qui signe la composition musicale ne trahit donc pas l’auteur. Et avec Sandrine Molaro il en signe la mise en scène.
On y retrouve les inventions cocasses du langage, la « rumeur ovale » et la « force opaque », on y danse le biglemoi, on y croise Jean-Sol Partre. Bien sûr, quand Colin (Maxime Boutéraon) tombe fou d’amour de Chloé (Roxane Bret), « Il se fit un abondant silence à l'entour, et la majeure partie du reste du monde se mit à compter pour du beurre. »
Antoine Paulin est ce « reste du monde ». Tour à tour, Chik ou Iris, Nicolas ou Alise, et même Jésus sur sa croix, il est épatant !
Nostalgique et charmeur le spectacle vous plaira.
Photos © LOT
L’écume des jours de Boris Vian
Adaptation de Paul Emond
Depuis le 11 mars
Théâtre de la Huchette
01 43 26 38 99
Du mardi au vendredi à 21 h, samedi 16 h et 21 h
[1] - “À chaque note, dit Colin, je fais correspondre un alcool, une liqueur ou un aromate. La pédale forte correspond à l’œuf battu et la pédale faible à la glace. Pour l’eau de Selbtz, il faut un trille dans le registre aigu. Les quantités sont en raison directe de la durée : à la quadruple croche équivaut le seizième d’unité, à la noire l’unité, à la ronde le quadruple unité. Lorsque l’on joue un air lent, un système de registre est mis en action, de façon que la dose ne soit pas augmentée – ce qui donnerait un cocktail trop abondant – mais la teneur en alcool. Et, suivant la durée de l’air, on peut, si l’on veut, faire varier la valeur de l’unité, la réduisant, par exemple au centième, pour pouvoir obtenir une boisson tenant compte de toutes les harmonies au moyen d’un réglage latéral. » (L’Ecume des jours)
16:25 Écrit par Dadumas dans Blog, langue, Littérature, Livre, Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, musique, boris vian, théâtre de la huchette | Facebook | | Imprimer
22/02/2017
Un anniversaire qui sera joyeux
Dans le cadre du 60e anniversaire du spectacle Ionesco au Théâtre de la Huchette, Plusieurs manifestations sont prévues dans les prochains mois pour fêter dignement cet anniversaire
NUIT DU 4 AU 5 MARS : NUIT ABSURDE : LES 24H IONESCO - Représentations de 19h à 3h du matin de « LA CANTATRICE CHAUVE » et de « LA LEÇON" Les représentations de la nuit seront toutes… différentes et pleines de surprises - De 3h à 9h : Insomnie à la Huchette avec diffusions de l’enregistrement sonore de La Cantatrice Chauve et de La Leçon (1965). - De 9h à 19h reprise des représentations de « LA CANTATRICE CHAUVE » et de « LA LEÇON"
Tarifs : 19h : Cantatrice Chauve (tarifs habituels) 20h : La Leçon (tarifs habituels) De 21h à 3 h du matin : 10€ par pièce. Un tarif global de 20€ permettra d' assister à toutes les représentations comprises entre 21h et 3h du matin + à la diffusion des enregistrements sonores De 9h à 19h : tarifs habituels de "la Cantatrice Chauve" et de "la Leçon » |
13:52 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, humour, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre de la huchette, ionesco | Facebook | | Imprimer
30/09/2016
La crise du personnage
Qu’arriverait-il, au théâtre, si le personnage conçu par l’auteur refusait de suivre sa condition ? Le « cours des choses » en serait-il modifié ? Quels rapports y a-t-il entre l’auteur et ses protagonistes ? Entre les personnages et les personnes ? Et comment accepter les conventions du théâtre quand on réclame la vérité ?
Arnaud Denis, comédien et metteur en scène, devient auteur pour poser ces questions dans Le Personnage désincarné.
Il imagine que, Grégoire (Audran Cattin), le personnage principal, en pleine représentation, refuse la destinée que l’auteur (Marcel Philippot) lui a tracée. Bloquant les autres protagonistes, Grégoire interrompt le spectacle. L’auteur est furieux, il temporise, louvoie, supplie, flatte, encourage et finit par menacer. Le régisseur (Grégoire Bourbier) intervient, prenant le parti du personnage. C’est la crise !
Les débats vont reprendre à l’université, car on reconnaît là les discussions dramaturgiques que les théâtrophiles animent depuis des siècles. Le cinéma même s’en était emparé avec La Rose pourpre du Caire (Woody Allen). Arnaud Denis y ajoute des références théâtrales chères à nos cœurs. On reconnaît l’Alceste de Molière qui se plaint : « Non vous ne m’aimez pas comme il faut que l’on aime » (Le Misanthrope Acte IV, 3), reprise de Don Garcie de Navarre (Acte I, 3) : « Quand vous saurez m’aimer comme il faut que l’on aime. » Et, dans la relation qui s’établit entre Grégoire et son auteur on pense au Pridamant de L’Illusion comique (Acte V, 5), ce père douloureux à la recherche de son fils.
Auteur de la pièce et auteur de ses jours ? La thématique se développe aussi autour des malentendus entre les pères et les fils. Le propos touche à l’universel.
Arnaud Denis est metteur en scène de son œuvre et il s’entoure d’une équipe brillante. Le décor d’Erwan Creff crée l’illusion de la perspective infinie, tandis que les lumières de Laurent Béal installent les apparences.
Marcel Philippot interprète admirablement le père revêche, tyrannique, incompris, qui se sent « trop vieux pour avoir des illusions », comme Faust « trop vieux pour être sans regrets. » Face à lui, Audran Cattin, joue la fragilité avant de devenir révolté puis autoritaire et cynique. Belle évolution du personnage ! Grégoire Bourbier donne au régisseur des accents protestataires. Mais on convient enfin de l'importance du public car : « C'est celui qui est dans la salle qui a le pouvoir. » Voilà la vérité vraie...
L’art ou la vie ? Le drame s’achève, mais la question reste ouverte…
Photos : © LOT
Le Personnage désincarné d’Arnaud Denis, mise en scène de l’auteur.
Théâtre de la Huchette
01 43 26 38 99
Du mardi au samedi à 21 h
Samedi à 16 h
Le texte de la pièce est publiée aux éditions de La Librairie théâtrale
3, rue Marivaux 75002 Paris
Arnaud Denis y signera son oeuvre, lundi 10 octobre à 18 h
11:32 Écrit par Dadumas dans Blog, culture, Livre, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, théâtre de la huchette, arnaud denis | Facebook | | Imprimer